UN DIMANCHE A LA CENTRALE
La première fois, ce fut en 2005.
Au hasard des darses et des différents sites portuaires, je suivais finalement cette direction : « port 9000 ».
Le port 9000, le terminal pétrolier qui jouxte la centrale nucléaire de Gravelines, je l’ai photographié pendant sept années. Sept années de lutte contre ce qui fut dès le départ de la fascination.
Sept années pour aborder ce site avec l’esprit de ceux qui l’on construit : sans affect. Avec cette phrase de Rainer Maria Rilke en tête, toujours : « le beau n’est rien que le commencement du terrible ».
« Le beau » n’a ici rien à voir avec cette « collaboration avec la terre » que décrit Marguerite Yourcenar dans les mémoires d’Hadrien. « Le beau » est ici un affrontement. Une violence qui n’est pas immédiatement perceptible, floutée par la lumière blanche et sans ombre, par l’homogénéité des matières, par l’abstraction que l’échelle immense impose, par le silence sourd qui enveloppe l’espace, par l’immobilité que quelques oyats, sous le vent, viennent juste déranger.
« Le beau », ici, côtoie l’arrogance et la vanité.
Il apparaît quand se réveille le sentiment d’un désastre à venir. Ce moment ou réparer ne suffira plus, ou l’énergie des hommes sera définitivement dépassée par celle des éléments.
Le ressac émiette le béton et rouille les fers.
Il crevasse les surfaces.
Il attend.
Il se moque.
Bertrand Verney – octobre 2017